Par ce titre un peu
provocateur, je voudrais partager une expérience que toute personne
pérégrinante en Terre Sainte ne peut manquer de faire.
Les images d’Épinal,
les illustrations un peu niaises des cahiers de catéchisme et la
peinture sulpicienne nous font trop souvent extrapoler
l'idée que l'on se fait de la Terre Promise à partir de notre
regard français : On la verrait comme un ensemble de collines
verdoyantes, aux hautes herbes grasses et irriguées par de
rafraîchissantes rivières dans lesquelles paissent de grosses et
belles vaches et de gentilles petites chèvres. D'ailleurs, le psalmiste le dit : « Le Seigneur est mon berger, je ne
manque de rien ; sur des prés d'herbe fraîche Il me fait
reposer. Il me conduit vers les eaux tranquilles et me fait
revivre ».
Or, cette fameuse Terre
Promise, ce n'est ni la Basse-Normandie, ni les riants vallons Suisses. Et
c'est là qu'une visite sur le terrain permet de faire un pas en
théologie : Le livre de Josué (chap.3) décrit, après les années
d'errance dans le désert, l'entrée tant attendue dans la Terre
Promise, cette terre donnée par Dieu à son peuple, réputée
« terre fertile ruisselante le lait et le miel » (Ex 3,8).
Or, ce pays, plutôt qu'un vallon suisse, ressemble à s'y méprendre
à un désert. En l’occurrence, à Jéricho, le désert de Juda...
Comment alors comprendre le don magnifique que devrait représenter
la Terre Promise ? Comment se réjouir, après des années
d'errance dans le désert, d'entrer à Jéricho ? Quelle
déception, disons-le, quelle arnaque !
Et pourtant, en
chrétiens, nous prenons au sérieux la Parole de Dieu, et, si nous
ne pouvons pas avoir une lecture fondamentaliste de l’Écriture,
nous ne pouvons pas pour autant passer au dessus de tel ou tel
passage au nom du fait qu'il nous semblerait irrecevable ou
incohérent avec le reste.
Il me semble, de ce fait,
que la visite de la Palestine permet de toucher du doigt quelque
chose de l'expérience qu'ont fait les Hébreux et dont les récits
bibliques rendent compte. Cette expérience, le psaume 23 cité plus haut la résume
très bien. Ce n'est rien de moins que la possibilité de clamer en
vérité - et même au milieu du désert - « je ne manque de rien,
sur des prés d'herbe fraîche Il me fait reposer ; Il me
conduit vers les eaux tranquilles et me fait revivre ». Et
crier cela dans un désert, lui donne une force bien supérieure à
nos rêves romantiques de pays d'Auge éternel ! Oui, au milieu
d'un désert aride et hostile, l'expérience de l'entrée en Terre Promise nous permet d'affirmer que l'on ne manque de rien !
Cette expérience forte,
et à mon sens tout à fait bouleversante, il me semble que c'est
celle de la présence et de la prévenance de Dieu : en
remettant notre vie dans ses mains, en Le laissant en être
le maître et la conduire, alors on entre effectivement dans la Terre Promise. Evidemment, « entrer » n'est alors plus à entendre essentiellement
selon une perspective géographique ou topologique, mais bien
spirituelle. D'ailleurs, les découvertes archéologiques – ou
plutôt l'absence de découvertes de traces de la prise de Jéricho –
vont dans ce sens : ce qui est décrit dans le récit biblique n'a pas l'ambition de
rendre compte d'un événement purement historique mais bien d'une expérience
spirituelle. Celle-ci n'étant plus tellement inscrite ni dans le
temps ni dans la géographie, devient alors accessible à tous, en tout lieu et en tout temps.
En chrétien, on peut
ensuite aller plus loin: Celui qui nous conduit à travers le
désert – c'est-à-dire l'aridité de notre vie peccamineuse et
limitée - vers cette Terre Promise -, et qui est en même temps le
lait et le miel qui y coule, l'oasis d'eau et d'ombre au milieu du
désert, c'est le Christ. Lui seul est le vrai repos auquel tous nous
aspirons: En faire l'expérience est le point de départ de toute vie
chrétienne.
Cédric de La Serre
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