Diacre du diocèse de Nanterre
(j'ai été ordonné il y a 10 jours), je viens de terminer un cycle
de théologie à l'université grégorienne, et au séminaire pontifical français de Rome. Avant d'entamer une licence canonique
(c'est-à-dire un master) en théologie morale à l'Institut catholique de Paris, l'association pour l'unité des chrétiens me
donne, ainsi qu'à trois autres 'futurs prêtres ou pasteurs', la chance de venir étudier la Bible et son environnement en
Terre Sainte, dans son milieu vital. Étude de la Bible et de son
histoire, rencontre des gens qui peuplent cette terre et visite des
monuments qui ont fait l'histoire sainte et font aujourd'hui Israël.
Voilà la fin du séjour, dont le foyer est l'institut Tantur. Ce
centre œcuménique de langue anglaise fut fondé par le pape Paul VI
à l'issue du concile Vatican II à la demande et avec le soutien des
observateurs invités des autres confessions chrétiennes. Il a pour
mission de soutenir la recherche théologique dans une perspective
œcuménique et d’accueillir des étudiants et chercheurs du monde
entier. Il est pour cela sous la tutelle de l'université américaine
Notre-Dame.
En arrivant à l'aéroport Ben Gourion
de Tel Aviv, le sentiment premier qui est venu habiter mon esprit m'a
renvoyé au prologue de saint Jean et à ce qu'a vécu le Christ :
« Il est venu dans son propre bien et les siens ne l'ont pas
accueilli ». En effet, on ne peut qu'admettre que
l'inhospitalité et la discourtoisie des services de sécurité
israéliens m'ont renvoyés en esprit au rejet du Christ par les
siens, dans le même pays. En guise d’accueil – d'un touriste qui
vient découvrir un pays et l'admirer, et y dépenser son argent –
j'ai eu droit à 2h30 d'interrogatoires à l'aéroport, menés de
manière idiote et humiliante. Idiote quand on me disait qu'un
catholique n'a rien à découvrir en Israël, qu'un catholique a le
Vatican au même titre qu'un juif a Israël. Humiliante quand on
m'imposait de poser mes mains sur le bureau (et pas dessous), d'y
laisser en évidence mon téléphone éteint, et quand on m'a très
sèchement demandé si je voulais rentrer directement en France quand
je demandais – aimablement – pourquoi ils voulaient connaître
les noms et ages de mes éventuels frères et sœurs...
Je ne sais pas bien quelle était la
fin exacte recherchée par ces étranges interrogatoires (il y en a
eu trois, par quatre personnes différentes, dans deux bureaux
glauques), mais si le but était de m'impressionner, c'est raté !
En revanche, j'en suis sorti avec le sentiment que se manifestait par
cette attitude un état d'esprit signe que les autorités de ce pays
ne cherchent pas la paix mais la domination : un enfant sait que
la paix n'est pas compatible avec trop de mépris et d'humiliation de
l'une des parties.
Ce sentiment s'est ensuite tout à fait
confirmé ce matin, en allant à Bethléem, qui n'est qu'à deux cent
mètres de l'institut Tantur. Pour entrer dans cette ville, il faut
passer par l'unique « check-point », point de contrôle
mis en place en même temps que la construction du mur de séparation.
Quelle tristesse que ce mur ! Il paraît qu'il a grandement amélioré la sécurité des Israéliens, ce qu'il faut savoir mettre
à son actif. Mais à quel prix !?... Les habitants de Bethléem
– des arabes – vivent maintenant dans une vaste prison avec une
seule sortie, entourés de hauts murs de béton, de miradors, de
barbelés, de grilles, de caméras et d'hommes armés. On ne peut
s’empêcher de visualiser tel ou tel documentaire historique sur
des heures bien sombres du siècle dernier. Les habitants de Bethléem
sont obligés, pour sortir de leur ville, de passer par cet unique
point de contrôle dans lequel il font chaque fois la queue entre 20
minutes et plusieurs heures (selon les hommes que j'ai interrogés),
uniquement en fonction du bon vouloir des autorités israéliennes
qui gèrent la chose. Ils subissent ainsi une humiliation quotidienne
et des désagréments non négligeables. Les personnes avec qui j'ai
fait la queue ce matin semblent vivre cela avec philosophie et
résignation. Mais de toute évidence l'humiliation qu'ils subissent
est scandaleuse et ne peut être que source de ressentiment.
Ceci dit, ce matin ils semblaient plutôt joyeux, et en tout cas
patients et attentifs aux enfants et aux femmes qui piétinaient avec
eux dans un hangar de taule éclairé avec des néons blafards,
entourés de grillages et de barbelés, et attendant qu'une voix
criarde leur commande par haut-parleur de s'avancer dans le
tourniquet métallique. Cette deuxième expérience n'a ainsi fait
que renforcer mon intuition première – dont je ne suis pas fier et
que j'espère se dissipera au fur et à mesure du voyage – que les
autorités israéliennes cherchent à humilier pour s'imposer.
Ce sentiment pénible n'est
heureusement pas le seul qui m'habite. La traversée de Jérusalem,
de nuit, hier soir, l'arrivée à Tantur, les paysages, la paix du
jardin de cette colline un peu en dehors de la rumeur de la ville
font toucher du doigt quelque chose de l'idée de la Terre Promise
ruisselant de miel et de lait. Quand l'homme dompte paisiblement la
création et la jardine, il reconstitue quelque chose du jardin des
origines. Et le jardin de Tantur donne d'en goûter un fruit.
Et cela, en même temps que les
premières rencontres et le survol du programme des études laisse
présager un séjour aussi merveilleux que passionnant.
Cédric de La Serre
Cher Cédric, d'abord tous mes voeux pour votre ordination et pour ce commencement de ministère.Quel début!
RépondreSupprimerVotre expérience à l'aéroport me rappel mes expériences à l'ancienne frontière entre les deux Allemagnes - en particulier la fois terrible qu'ils m'ont laissé entrer en ex RDA mais ont gardé et ensuite renvoyé mon (futur) mari à Berlin ouest. Aucun de nos pays forme son personnel des airs et frontières à être particulièrement "gentil", mais quand cela semble personnel et en lien avec son Église je puis imaginer que cela doit remuer beaucoup de choses.
je peux également imaginer que l'on est peut être plus "rude" avec le clergé catholique depuis la récente reconnaissance par Israël de l'état palestinien.
de toute façon très bon séjour, profitez bien du jardin et de l'ambiance de Tantur. Amitiés JAne