Affichage des articles dont le libellé est bible. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est bible. Afficher tous les articles

vendredi 24 juillet 2015

La Terre Promise est-elle une arnaque ?

Par ce titre un peu provocateur, je voudrais partager une expérience que toute personne pérégrinante en Terre Sainte ne peut manquer de faire.

Les images d’Épinal, les illustrations un peu niaises des cahiers de catéchisme et la peinture sulpicienne nous font trop souvent extrapoler l'idée que l'on se fait de la Terre Promise à partir de notre regard français : On la verrait comme un ensemble de collines verdoyantes, aux hautes herbes grasses et irriguées par de rafraîchissantes rivières dans lesquelles paissent de grosses et belles vaches et de gentilles petites chèvres. D'ailleurs, le psalmiste le dit : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien ; sur des prés d'herbe fraîche Il me fait reposer. Il me conduit vers les eaux tranquilles et me fait revivre ».

Or, cette fameuse Terre Promise, ce n'est ni la Basse-Normandie, ni les riants vallons Suisses. Et c'est là qu'une visite sur le terrain permet de faire un pas en théologie : Le livre de Josué (chap.3) décrit, après les années d'errance dans le désert, l'entrée tant attendue dans la Terre Promise, cette terre donnée par Dieu à son peuple, réputée « terre fertile ruisselante le lait et le miel » (Ex 3,8). Or, ce pays, plutôt qu'un vallon suisse, ressemble à s'y méprendre à un désert. En l’occurrence, à Jéricho, le désert de Juda... Comment alors comprendre le don magnifique que devrait représenter la Terre Promise ? Comment se réjouir, après des années d'errance dans le désert, d'entrer à Jéricho ? Quelle déception, disons-le, quelle arnaque !
Le désert de Juda, à l'ouest de Jéricho, porte d'entrée de la Terre Promise.
" [Le Seigneur dit:] Je suis descendu pour délivrer mon peuple de la main des Égyptiens
et le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel"
. Ex.3,8
Et pourtant, en chrétiens, nous prenons au sérieux la Parole de Dieu, et, si nous ne pouvons pas avoir une lecture fondamentaliste de l’Écriture, nous ne pouvons pas pour autant passer au dessus de tel ou tel passage au nom du fait qu'il nous semblerait irrecevable ou incohérent avec le reste.
Il me semble, de ce fait, que la visite de la Palestine permet de toucher du doigt quelque chose de l'expérience qu'ont fait les Hébreux et dont les récits bibliques rendent compte. Cette expérience, le psaume 23 cité plus haut la résume très bien. Ce n'est rien de moins que la possibilité de clamer en vérité -  et même au milieu du désert - « je ne manque de rien, sur des prés d'herbe fraîche Il me fait reposer ; Il me conduit vers les eaux tranquilles et me fait revivre ». Et crier cela dans un désert, lui donne une force bien supérieure à nos rêves romantiques de pays d'Auge éternel ! Oui, au milieu d'un désert aride et hostile, l'expérience de l'entrée en Terre Promise nous permet d'affirmer que l'on ne manque de rien !

Cette expérience forte, et à mon sens tout à fait bouleversante, il me semble que c'est celle de la présence et de la prévenance de Dieu : en remettant notre vie dans ses mains, en Le laissant en être le maître et la conduire, alors on entre effectivement dans la Terre Promise. Evidemment, « entrer » n'est alors plus à entendre essentiellement selon une perspective géographique ou topologique, mais bien spirituelle. D'ailleurs, les découvertes archéologiques – ou plutôt l'absence de découvertes de traces de la prise de Jéricho – vont dans ce sens : ce qui est décrit dans le récit biblique n'a pas l'ambition de rendre compte d'un événement purement historique mais bien d'une expérience spirituelle. Celle-ci n'étant plus tellement inscrite ni dans le temps ni dans la géographie, devient alors accessible à tous, en tout lieu et en tout temps.

En chrétien, on peut ensuite aller plus loin: Celui qui nous conduit à travers le désert – c'est-à-dire l'aridité de notre vie peccamineuse et limitée - vers cette Terre Promise -, et qui est en même temps le lait et le miel qui y coule, l'oasis d'eau et d'ombre au milieu du désert, c'est le Christ. Lui seul est le vrai repos auquel tous nous aspirons: En faire l'expérience est le point de départ de toute vie chrétienne.

Cédric de La Serre

Entre ciel et terre...

« Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père. » Jn. 1,14

Si, après un mois de séjour dans ce pays, je devais dresser un bilan de ce que j’ai appris, je ne saurais par où commencer. Certains textes bibliques m’ont semblé s’éclaircir par les paysages traversés comme le verset qui nous parle du désert qui fleurit : « Que le désert et la terre aride se réjouissent! Que la steppe soit dans l'allégresse et fleurisse comme le narcisse; qu'elle fleurisse et s'épanouisse ; qu'elle tressaille d'allégresse et pousse des cris de joie ! » (Es. 35,1-2a)  Le désert de Judée peut en effet être submergé par les eaux car il est en contrebas de Jérusalem et, en automne, l’eau de la pluie s’écoule sur ses flancs.

D’autres passages ont gardé leur hermétisme, du fait des controverses d’ordre politique qui agitent l’archéologie dans ce pays. Comment savoir si l’empire de Salomon avait bien les frontières que le texte lui donne, si une déclaration dans un sens ou dans l’autre a des conséquences politiques majeures dans un pays où le passé semble toujours être conjugué au présent?

Il me semblait, avant de venir, que j’allais confronter le texte biblique à la réalité du terrain. Je me rends compte maintenant combien cette entreprise est illusoire et combien la réalité du terrain dépend des mots que nous y posons, de nos perceptions, de notre regard…

Il n’y a pas la Bible d’une part et la réalité d’une autre, il y a un entrelacs de relations qui s’entremêlent au point que les deux, réalité et Bible, apparaissent inextricables.

Dans ce pays, deux livres s’offrent à nous : le livre en terre, forme par les paysages devant nous, un livre fait de vestiges, de traces, d’éphémère et de pierres, et le livre fait de mots, de rêves, de confiance et de doutes que constitue la Bible.

Ces deux livres ne sont peut-être que deux versants d’une même soif, la soif d’entrer en relation avec ce qui nous dépasse, avec ce qui nous fonde, avec ce qui nous aide à vivre aujourd’hui alors même que la source remonte à plusieurs milliers d’années.

Une source qui, jamais tarie, se retrouve à la fois dans la matière et dans les mots, dans nos prières et dans la terre habitée, dans l’épaisseur de la réalité et dans la légèreté du saut de la foi.

La Parole de Dieu est venue habiter parmi nous, et comme le rappelle le pape François dans son encyclique sur l’écologie : «Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’émerveillé Jésus a contemplés de ses yeux humains sont maintenant remplis de sa présence lumineuse »[1].

Helena Vicario



[1] Pape François “Loué sois-tu” Paris, Editions de l’Emmanuel, 2015 p. 53.