lundi 27 juillet 2015

"Qu'as-tu fait ? Ecoute, le sang de ton frère crie du sol vers moi !" (Gn 4,10)


            Journée… difficile et pesante… emprunte d'amertume et pourtant d'espérance. Ce qui se joue sur cette terre est une véritable tragédie humaine pour deux peuples, deux peuples qui se sont entretués depuis de trop nombreuses années. Saint Paul ne dit-il pas "l'accomplissement parfait de la Loi, c'est l'Amour" (Rm 13,10, lecture du milieu du jour d'aujourd'hui) ?

Nous sommes allés à Hébron, lieu des tombeaux des patriarches, ville en territoire palestinien, colonisé petit à petit par des colons israéliens, avec des rues fantômes. Colère, amertume, incompréhension face à un peuple qui a tant souffert et qui fait souffrir à nouveau ses frères. Un rabbin nous disait qu'ils s'appuyaient sur la promesse faite à Abraham en Gn 12,2 : "Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai". Le fait qu'au-dessus des tombeaux des patriarches se situent une mosquée et une synagogue certes séparées par un mur mais dans un seul bâtiment, n'est-il pas le signe que cette grande nation est plus large que beaucoup ne le pensent ?
Mausolée au-dessus du tombeau présumé d'Abraham visible de la mosquée et de la synagogue
La tente des nations (http://www.tentofnations.org/) nous a ensuite ouvert les bras : seul cas dans tous les territoires palestiniens où une famille possède les documents indiquant qu'ils sont propriétaires de leur terre depuis au moins 1916. Régulièrement, leurs plantations (ils vendent des fruits) ou leurs citernes (ils n'ont accès ni à l'eau courante, ni à l'électricité) ou toute nouvelle construction sont détruites, la route d'accès a été barrée par des gravats pour des raisons de sécurité. Les documents leur indiquant que leurs plantations d'arbres fruitiers ou leurs constructions vont être détruites ne leur sont pas remis en mains propres mais laissés sur une pierre près du lieu de destruction. On leur interdit systématiquement de planter ou de construire quoique ce soit et la loi prévoit que si, pendant trois ans, leur terrain n'est pas utilisé, il devient propriété du gouvernement. Ce qui m'a frappé est que, malgré les tensions et les cinq colonies environnantes, la paix règne dans ce lieu. Cette famille chrétienne continue à accueillir des jeunes pour leur donner le sens de la terre, de l'écologie, de l'amour et de l'espoir. Leur motivation est : "nous refusons d'être ennemis". Leur vision, qui n'est pas qu'un simple slogan mais qu'ils vivent profondément, repose sur les vertus théologales, dons de Dieu : une foi pratiquée ; un refus de la haine par l'amour des autres (tous) et de la terre ; un refus de devenir des victimes par une espérance qui n'est pas une simple attente mais le modelage de l'avenir par l'action en faveur de la paix. Tout cela pour la justice. Une magnifique leçon de courage, d'abandon et de persévérance !
La tente des nations : des personnes qui construisent des ponts
Le rabbin colon que nous avons rencontré et qui œuvre depuis un an et demi pour plus de dialogue, nous disait que pendant cinquante ans, il n'avait rencontré aucun Palestinien, que tout se passait comme s'ils n'existaient pas alors que de l'autre côté du mur où il habitait, vivaient des Palestiniens ! Ainsi, le chemin vers une plus grande unité des Chrétiens, passe aussi par ces lieux de rencontres : que ce soit des lieux de prières, mais aussi des lieux informels de vie et de partage. Nous ne pouvons passer toute notre vie en sachant que nos frères chrétiens vivent dans la même ville et ne pas les rencontrer en frères ! Lors du Jugement Dernier, je suis convaincu que le Seigneur qui a versé son sang pour nous, nous posera cette question (Gn 4,10, question posée à Caïn, faisant écho à la quête de Dieu cherchant Abel): "Qu'as-tu fait ? Ecoute, le sang de ton frère crie du sol vers moi", le sang versé mais aussi le cri de la souffrance, de l'ignorance et de la critique. Sommes-nous prêts à verser notre sang pour nos frères ? Je terminerai avec ces mots de Mère Teresa : "Gardons dans nos cœurs la joie de l'amour de Dieu et partageons cette joie de nous aimer les uns les autres comme Il aime chacun de nous."
Icône au monastère de Saint Gérasime du Jourdain près de Jéricho
                                                                                                                          Nicolas


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