Journée… difficile et pesante… emprunte d'amertume et pourtant d'espérance. Ce qui se joue sur cette terre est une véritable tragédie humaine pour deux peuples, deux peuples qui se sont entretués depuis de trop nombreuses années. Saint Paul ne dit-il pas "l'accomplissement parfait de la Loi, c'est l'Amour" (Rm 13,10, lecture du milieu du jour d'aujourd'hui) ?
Nous sommes allés à Hébron, lieu
des tombeaux des patriarches, ville en territoire palestinien, colonisé petit à
petit par des colons israéliens, avec des rues fantômes. Colère, amertume,
incompréhension face à un peuple qui a tant souffert et qui fait souffrir à
nouveau ses frères. Un rabbin nous disait qu'ils s'appuyaient sur la promesse
faite à Abraham en Gn 12,2 : "Je ferai de toi une grande nation et je te
bénirai". Le fait qu'au-dessus des tombeaux des patriarches se situent une
mosquée et une synagogue certes séparées par un mur mais dans un seul bâtiment,
n'est-il pas le signe que cette grande nation est plus large que beaucoup ne le
pensent ?
Mausolée au-dessus du tombeau présumé d'Abraham visible de la mosquée et de la synagogue |
La tente des nations (http://www.tentofnations.org/) nous a
ensuite ouvert les bras : seul cas dans tous les territoires palestiniens où
une famille possède les documents indiquant qu'ils sont propriétaires de leur
terre depuis au moins 1916. Régulièrement, leurs plantations (ils vendent des
fruits) ou leurs citernes (ils n'ont accès ni à l'eau courante, ni à
l'électricité) ou toute nouvelle construction sont détruites, la route d'accès
a été barrée par des gravats pour des raisons de sécurité. Les documents leur
indiquant que leurs plantations d'arbres fruitiers ou leurs constructions vont être
détruites ne leur sont pas remis en mains propres mais laissés sur une pierre
près du lieu de destruction. On leur interdit systématiquement de planter ou de
construire quoique ce soit et la loi prévoit que si, pendant trois ans, leur
terrain n'est pas utilisé, il devient propriété du gouvernement. Ce qui m'a
frappé est que, malgré les tensions et les cinq colonies environnantes, la paix
règne dans ce lieu. Cette famille chrétienne continue à accueillir des jeunes
pour leur donner le sens de la terre, de l'écologie, de l'amour et de l'espoir.
Leur motivation est : "nous refusons d'être ennemis". Leur vision,
qui n'est pas qu'un simple slogan mais qu'ils vivent profondément, repose sur
les vertus théologales, dons de Dieu : une foi
pratiquée ; un refus de la haine par l'amour
des autres (tous) et de la terre ; un refus de devenir des victimes par une espérance qui n'est pas une simple
attente mais le modelage de l'avenir par l'action en faveur de la paix. Tout cela
pour la justice. Une magnifique leçon de courage, d'abandon et de persévérance
!
La tente des nations : des personnes qui construisent des ponts |
Le rabbin colon que nous avons
rencontré et qui œuvre depuis un an et demi pour plus de dialogue, nous disait
que pendant cinquante ans, il n'avait rencontré aucun Palestinien, que tout se
passait comme s'ils n'existaient pas alors que de l'autre côté du mur où il
habitait, vivaient des Palestiniens ! Ainsi, le chemin vers une plus grande unité
des Chrétiens, passe aussi par ces lieux de rencontres : que ce soit des lieux
de prières, mais aussi des lieux informels de vie et de partage. Nous ne
pouvons passer toute notre vie en sachant que nos frères chrétiens vivent dans la
même ville et ne pas les rencontrer en frères ! Lors du Jugement Dernier, je
suis convaincu que le Seigneur qui a versé son sang pour nous, nous posera cette question (Gn 4,10, question
posée à Caïn, faisant écho à la quête de Dieu cherchant Abel): "Qu'as-tu fait
? Ecoute, le sang de ton frère crie du sol vers moi", le sang versé mais
aussi le cri de la souffrance, de l'ignorance et de la critique. Sommes-nous prêts à verser notre sang pour nos frères ? Je terminerai
avec ces mots de Mère Teresa : "Gardons dans nos cœurs la
joie de l'amour de Dieu et partageons cette joie de nous aimer les uns les autres
comme Il aime chacun de nous."
Icône au monastère de Saint Gérasime du Jourdain près de Jéricho |
Nicolas
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