mercredi 1 juillet 2015

Les aventures de l'arrivée.

Diacre du diocèse de Nanterre (j'ai été ordonné il y a 10 jours), je viens de terminer un cycle de théologie à l'université grégorienne, et au séminaire pontifical français de Rome. Avant d'entamer une licence canonique (c'est-à-dire un master) en théologie morale à l'Institut catholique de Paris, l'association pour l'unité des chrétiens me donne, ainsi qu'à trois autres 'futurs prêtres ou pasteurs', la chance de venir étudier la Bible et son environnement en Terre Sainte, dans son milieu vital. Étude de la Bible et de son histoire, rencontre des gens qui peuplent cette terre et visite des monuments qui ont fait l'histoire sainte et font aujourd'hui Israël. Voilà la fin du séjour, dont le foyer est l'institut Tantur. Ce centre œcuménique de langue anglaise fut fondé par le pape Paul VI à l'issue du concile Vatican II à la demande et avec le soutien des observateurs invités des autres confessions chrétiennes. Il a pour mission de soutenir la recherche théologique dans une perspective œcuménique et d’accueillir des étudiants et chercheurs du monde entier. Il est pour cela sous la tutelle de l'université américaine Notre-Dame.

En arrivant à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, le sentiment premier qui est venu habiter mon esprit m'a renvoyé au prologue de saint Jean et à ce qu'a vécu le Christ : « Il est venu dans son propre bien et les siens ne l'ont pas accueilli ». En effet, on ne peut qu'admettre que l'inhospitalité et la discourtoisie des services de sécurité israéliens m'ont renvoyés en esprit au rejet du Christ par les siens, dans le même pays. En guise d’accueil – d'un touriste qui vient découvrir un pays et l'admirer, et y dépenser son argent – j'ai eu droit à 2h30 d'interrogatoires à l'aéroport, menés de manière idiote et humiliante. Idiote quand on me disait qu'un catholique n'a rien à découvrir en Israël, qu'un catholique a le Vatican au même titre qu'un juif a Israël. Humiliante quand on m'imposait de poser mes mains sur le bureau (et pas dessous), d'y laisser en évidence mon téléphone éteint, et quand on m'a très sèchement demandé si je voulais rentrer directement en France quand je demandais – aimablement – pourquoi ils voulaient connaître les noms et ages de mes éventuels frères et sœurs...

Je ne sais pas bien quelle était la fin exacte recherchée par ces étranges interrogatoires (il y en a eu trois, par quatre personnes différentes, dans deux bureaux glauques), mais si le but était de m'impressionner, c'est raté ! En revanche, j'en suis sorti avec le sentiment que se manifestait par cette attitude un état d'esprit signe que les autorités de ce pays ne cherchent pas la paix mais la domination : un enfant sait que la paix n'est pas compatible avec trop de mépris et d'humiliation de l'une des parties.

Ce sentiment s'est ensuite tout à fait confirmé ce matin, en allant à Bethléem, qui n'est qu'à deux cent mètres de l'institut Tantur. Pour entrer dans cette ville, il faut passer par l'unique « check-point », point de contrôle mis en place en même temps que la construction du mur de séparation. Quelle tristesse que ce mur ! Il paraît qu'il a grandement amélioré la sécurité des Israéliens, ce qu'il faut savoir mettre à son actif. Mais à quel prix !?... Les habitants de Bethléem – des arabes – vivent maintenant dans une vaste prison avec une seule sortie, entourés de hauts murs de béton, de miradors, de barbelés, de grilles, de caméras et d'hommes armés. On ne peut s’empêcher de visualiser tel ou tel documentaire historique sur des heures bien sombres du siècle dernier. Les habitants de Bethléem sont obligés, pour sortir de leur ville, de passer par cet unique point de contrôle dans lequel il font chaque fois la queue entre 20 minutes et plusieurs heures (selon les hommes que j'ai interrogés), uniquement en fonction du bon vouloir des autorités israéliennes qui gèrent la chose. Ils subissent ainsi une humiliation quotidienne et des désagréments non négligeables. Les personnes avec qui j'ai fait la queue ce matin semblent vivre cela avec philosophie et résignation. Mais de toute évidence l'humiliation qu'ils subissent est scandaleuse et ne peut être que source de ressentiment. Ceci dit, ce matin ils semblaient plutôt joyeux, et en tout cas patients et attentifs aux enfants et aux femmes qui piétinaient avec eux dans un hangar de taule éclairé avec des néons blafards, entourés de grillages et de barbelés, et attendant qu'une voix criarde leur commande par haut-parleur de s'avancer dans le tourniquet métallique. Cette deuxième expérience n'a ainsi fait que renforcer mon intuition première – dont je ne suis pas fier et que j'espère se dissipera au fur et à mesure du voyage – que les autorités israéliennes cherchent à humilier pour s'imposer.

Ce sentiment pénible n'est heureusement pas le seul qui m'habite. La traversée de Jérusalem, de nuit, hier soir, l'arrivée à Tantur, les paysages, la paix du jardin de cette colline un peu en dehors de la rumeur de la ville font toucher du doigt quelque chose de l'idée de la Terre Promise ruisselant de miel et de lait. Quand l'homme dompte paisiblement la création et la jardine, il reconstitue quelque chose du jardin des origines. Et le jardin de Tantur donne d'en goûter un fruit.
Et cela, en même temps que les premières rencontres et le survol du programme des études laisse présager un séjour aussi merveilleux que passionnant.

Cédric de La Serre


1 commentaire:

  1. Cher Cédric, d'abord tous mes voeux pour votre ordination et pour ce commencement de ministère.Quel début!
    Votre expérience à l'aéroport me rappel mes expériences à l'ancienne frontière entre les deux Allemagnes - en particulier la fois terrible qu'ils m'ont laissé entrer en ex RDA mais ont gardé et ensuite renvoyé mon (futur) mari à Berlin ouest. Aucun de nos pays forme son personnel des airs et frontières à être particulièrement "gentil", mais quand cela semble personnel et en lien avec son Église je puis imaginer que cela doit remuer beaucoup de choses.
    je peux également imaginer que l'on est peut être plus "rude" avec le clergé catholique depuis la récente reconnaissance par Israël de l'état palestinien.
    de toute façon très bon séjour, profitez bien du jardin et de l'ambiance de Tantur. Amitiés JAne

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